La fatigue dans l’environnement de la maintenance aéronautique
En 1997, le Bureau national de la sécurité des transports (NTSB) des États-Unis recommandait que l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) « examine la question de la fatigue du personnel de maintenance aéronautique et établisse ensuite des limitations d’heures de travail conformes à l’état actuel des connaissances scientifiques pour le personnel assurant la maintenance des avions des exploitants » (NTSB, 1997).
La fatigue du personnel de maintenance est un problème grave qui figure parmi les priorités de George Zarikos, directeur de la Maintenance d’IEAG, qui souligne que la gestion du risque de fatigue s’est généralement concentrée sur les tâches de contrôle continu, comme le pilotage d’un avion, la somnolence étant la principale menace.
« Du point de vue de la maintenance, la somnolence (ou le demi-sommeil) n’est pas la véritable menace – mais plutôt les erreurs occasions par les facultés affaiblies par le sommeil, comme un corps étranger oublié dans un moteur, l’omission d’étapes dans une procédure de réparation, des panneaux d’accès ou capots mal fixés, l’assemblage des mauvaises pièces, etc., qui peuvent toutes avoir de graves conséquences. »
Systèmes de gestion du risque de fatigue
Des systèmes de gestion du risque de fatigue ont été recommandés par la FAA, l’OACI, l’AESA, Transports Canada, et d’autres organismes. Bien que la FAA ait introduit une première formation sur les facteurs humains pour la maintenance aéronautique dès 1988, l’intérêt des organismes de réglementation n’a vraiment pris de l’ampleur qu’après une tragédie. Selon M. Zarikos, directeur de la Maintenance chez IEAG, « actuellement, les organismes de réglementation n’ont pas encore imposé de mesures de gestion de la fatigue chez le personnel de la maintenance aéronautique, mais de nombreuses sociétés, dont Innotech Execaire, estiment que c’est la prochaine étape nécessaire ».
« Cela laisse aux sociétés de maintenance la responsabilité de définir leurs propres stratégies, que ce soit à travers un système de gestion de la sécurité existant ou un système de gestion du risque de fatigue distinct ».
La FAA définit le système de gestion du risque de fatigue comme un processus basé sur les données et les principes scientifiques, visant la surveillance continue et la gestion du risque de sécurité lié aux erreurs dues à la fatigue. Ce système fait partie d’un processus d’amélioration continue du rendement, conduisant à des améliorations constantes de la sécurité par l’identification et la gestion des facteurs de fatigue.
Quels sont les Facteurs de fatigue ?
Comme l’explique M. Zarikos, « le risque de fatigue découle du travail de nuit, des horaires de travail rotatifs et de la possibilité de longues heures de service non réglementées. Ces facteurs, combinés à la perturbation du sommeil et au déficit cumulatif de sommeil, affaiblissent le jugement, rendent la concentration difficile, provoquent des oublis, altèrent l’humeur et la motivation, et affectent globalement la performance. En fin de compte, la fatigue résulte d’une combinaison de facteurs liés à l’environnement de travail et aux caractéristiques individuelles ».
Quant à l’étendue d’un système efficace de gestion du risque de fatigue, M. Zarikos souligne que « cela implique des politiques d’entreprise bien définies, des procédures de signalement des incidents et une évaluation proactive des risques. De plus, une communication ouverte entre les employés et la direction est essentielle pour instaurer une culture de sécurité ».
Chez IEAG, notre modèle de gestion du risque de fatigue calcule des points positifs pour le repos et des points négatifs pour la fatigue sur une période de 24 heures pour certaines tâches de maintenance. Le coefficient de fatigue est estimé en tenant compte du temps de trajet domicile-travail, de l’heure d’entrée pour les tâches supplémentaires et du nombre maximal d’heures de travail consécutives. « Si le modèle indique un nombre positif qui minimise le coefficient de fatigue, le travail peut se poursuivre. Dans le cas contraire, nous renvoyons la personne chez elle pour se reposer », précise M. Zarikos.
À travers le développement du système de gestion du risque de fatigue d’IEAG, M. Zarikos et son équipe ont identifié les principales causes de fatigue et comment celles-ci peuvent conduire à des erreurs de maintenance. L’un des aspects essentiels est de veiller à ce que les quarts de travail ne dépassent pas huit heures, tout dépassement nécessitant une évaluation spécifique. Un autre aspect est la mise en place d’une obligation de signaler les situations de fatigue.
Gestion de la fatigue dans la maintenance aéronautique
« Adopter la gestion de la fatigue comme partie intégrante de notre culture est essentiel », affirme M. Zarikos.
IEAG a mis en œuvre son système de gestion du risque de fatigue pour deux raisons principales : promouvoir une culture globale de la sécurité et assurer une planification efficace de la main-d’œuvre. « Nous avons une compréhension approfondie de l’impact de la fatigue sur la performance, et nous utilisons cette connaissance pour renforcer la sécurité », ajoute-t-il.
M. Zarikos souligne que bien que certains transporteurs aériens aient commencé à considérer la fatigue chez leur personnel de maintenance, cette pratique n’est pas encore généralisée à tous les propriétaires et exploitants d’avions, ni dans toutes les compagnies aériennes. « C’est pourtant une démarche incontournable que les organismes de réglementation devraient rendre obligatoire. Nous n’avons pas d’autre choix », insiste-t-il. « Nous sommes conscients des défis particuliers posés par le travail par rotation, et nous avons appris à les gérer, tout en faisant face aux imprévus tels que l’afflux soudain de clients avec des exigences urgentes et les incidents d’avions immobilisés au sol (AOG) ». M. Zarikos aborde la question complexe des rotations de travail, soulignant leur impact sur l’adaptation du corps aux horaires. Les imprévus peuvent perturber même les plans les mieux établis, entraînant des équipes de maintenance à travailler de nombreuses heures au-delà de leurs quarts réguliers, ce qui peut conduire à une fatigue profonde et potentiellement à des erreurs de maintenance.
« Notre industrie repose sur l’échange d’expertise, particulièrement en matière de sécurité. Nous tirons des enseignements précieux les uns des autres. En attendant que les régulateurs rendent la gestion de la fatigue obligatoire dans notre secteur, nous espérons que d’autres entreprises emboîteront le pas dans la mesure et la prévention de la fatigue. Notre progression dépend de la collecte de données approfondies. Ensemble, nous pourrons développer un système de gestion du risque de fatigue encore plus robuste pour la maintenance, au bénéfice de tous. »