Peinture d’avion : guide pratique
Notre objectif avec cette nouvelle publication est de partager notre savoir et notre expertise avec nos lecteurs. Depuis plus de 60 ans, nous servons une large clientèle dans le secteur de l’aviation, et nous sommes impatients de vous présenter plusieurs des enseignements clés que nous avons acquis au fil du temps. À travers notre série Perspectives, nous offrons des conseils pratiques basés sur notre expérience accumulée, visant à sensibiliser et informer les lecteurs sur divers sujets d’intérêt pour l’aviation. Vos observations et réactions sont précieuses pour nous aider à mieux vous servir ; n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse insights@innotech-execaire.com.
Avec des centaines d’avions peints dans leurs ateliers de peinture de dernière génération à Montréal, les experts d’IEAG ont partagé avec Perspectives les normes les plus récentes en matière de peinture dans l’industrie. Kevin Thompson, directeur de la Gestion des programmes d’IEAG, possède près de 15 ans d’expérience dans la gestion de divers aspects des programmes d’avions d’affaires, y compris ceux des ateliers de peinture d’IEAG. De son côté, Martin Basque, spécialiste de la planification de la peinture, cumule plus de vingt années d’expérience dans le domaine, ayant travaillé à la fois chez Bombardier et chez IEAG. Tous deux ont été enthousiastes à l’idée de partager leurs connaissances sur les meilleures pratiques en matière de peinture pour les avions d’affaires.
Longévité des systèmes de peinture et avantages de la maintenance proactive
L’utilité de la peinture va bien au-delà d’un extérieur clinquant. Il est donc crucial de comprendre les meilleures pratiques de l’industrie en matière de rafraîchissement des systèmes de peinture d’avion. Alors que beaucoup estiment que la peinture dure généralement de six à sept ans, Kevin Thompson affirme qu’elle peut résister plus longtemps selon les circonstances, les pratiques d’entretien et les méthodes de maintenance.
« En réalité, pour un avion d’affaires, elle peut durer 10 ans – à condition qu’une maintenance proactive soit assurée », explique-t-il. Les avions d’affaires n’accumulent pas autant d’heures de vol que les avions commerciaux, ce qui explique cette différence de longévité.
Qu’entend-on par maintenance proactive ? En d’autres termes, qu’est-ce qui contribue à prolonger la durée de vie d’une peinture ? Idéalement, un avion non utilisé devrait être entreposé dans un hangar à l’abri du soleil et lavé après chaque vol. Cependant, dans la pratique, cela n’est souvent ni réalisable ni possible. « Les différents matériaux utilisés dans la construction des avions s’usent à des rythmes variables », précise Martin. Sans un entretien approprié, cela peut conduire à l’érosion, au fendillement ou au décollement de la peinture, mettant ainsi en péril l’intégrité structurelle du revêtement en aluminium de l’avion. « Il est normal que les joints d’étanchéité se fissurent ou que la peinture s’écaille dans les zones exposées au vent ou lorsque des panneaux sont superposés. Ces zones sont particulièrement vulnérables aux éléments environnementaux. »
D’autres facteurs à considérer incluent les températures extrêmes, le nombre d’heures de vol, les environnements corrosifs, les rayons UV et la localisation géographique de l’avion. Par exemple, une base près de l’océan expose le système de peinture au sel, réduisant ainsi sa durée de vie. En gardant ces éléments à l’esprit, quelques mesures de base peuvent contribuer à maintenir le système de peinture dans un état optimal :
- Lavez régulièrement l’avion, surtout après l’utilisation de liquides de dégivrage ou en cas de contact avec du Skydrol ;
- Effectuez des retouches préventives sur les joints d’étanchéité ;
- Réparez immédiatement toute écaille, fendillement ou érosion des joints de revêtement ou des zones exposées au vent ;
- N’appliquez jamais de mélange de peinture en dehors de l’atelier pour éviter la contamination par des particules de poussière ;
- Utilisez uniquement des produits approuvés par le constructeur de l’avion, en évitant les cires contenant du silicone qui pourraient compromettre l’adhérence des retouches de peinture.
Le meilleur moment de la vie d’un avion pour envisager de le repeindre
L’autre élément à garder à l’esprit est que lorsqu’un avion atteint de 7 à 10 années de service, la plupart des exploitants doivent procéder à d’importants travaux de maintenance, nécessitant le retrait de panneaux. « C’est donc le bon moment pour refaire le système de peinture, car l’avion est immobilisé au sol de toute façon pour des travaux de maintenance », ajoute Kevin. Les exploitants de flottes peuvent avoir un calendrier plus serré pour repeindre les appareils, étant donné qu’ils ne sont pas souvent remisés dans un hangar et que le nombre accru d’heures de vol impose un stress supplémentaire sur le système de peinture. Pour un avion d’affaires, cependant, atteindre le cap des 10 ans est certainement envisageable, comme mentionné précédemment, en tenant compte également de l’environnement dans lequel l’avion est exploité et des régions qu’il traverse.
Comprendre les différences entre décaper et peindre et poncer et peindre
DÉCAPER ET PEINDRE
Décaper et peindre comporte le retrait de toute la peinture par un procédé chimique hautement toxique et requiert l’élimination de déchets et des émissions de composés organiques volatils. Selon Martin, c’est un procédé plus coûteux du point de vue des matériaux, de la maind’œuvre et du temps d’arrêt, mais « c’est plutôt la norme lorsqu’il faut entreprendre des travaux de maintenance périodique majeurs ». Cela comporte de nets avantages : « Vous pouvez alors inspecter l’aluminium comme il se doit, ditil. Retirer toute la peinture permet une inspection détaillée du revêtement. Vous pouvez alors comprendre exactement l’état de votre avion et gérer ensuite les besoins de maintenance qui en découlent. De fait, souligne-t-il, c’est l’un des avantages les plus populaires de l’approche de décapage complet, c’est-à-dire que le système de peinture est refait entièrement à partir du revêtement même. »
PONCER ET PEINDRE
Poncer et peindre, quant à lui, implique un ponçage mécanique de la peinture tout en laissant l’apprêt à l’époxyde sur le revêtement. Selon Kevin, dans la plupart des cas, cette méthode peut être moins coûteuse et produire un meilleur fini esthétique, car elle utilise l’ancien système de peinture auquel on ajoute un nouvel apprêt mastic et une couche finale. Il explique également que des variations naturelles dans l’assemblage du fuselage par le constructeur peuvent être nivelées grâce au procédé de ponçage-peinture.
Un autre élément à considérer dans le choix entre ponçage-peinture et décapage-peinture est l’avion lui-même. Pour certains modèles et marques plus petits, où plus de 50 % du fuselage est composé de panneaux en composite, le recours à un procédé de décapage chimique sur ces surfaces n’est pas approprié. « Dans ce cas, le décapage-peinture n’est pas recommandé », précise-t-il.
Dans d’autres situations, l’approche ponçage-peinture peut être la meilleure option pour modifier l’apparence d’un avion. « Si vous souhaitez simplement changer des bandes, par exemple, il n’y a pas d’avantage à décaper complètement l’avion, car un ponçage suffit », ajoute Kevin.
Il est important de noter qu’aucun procédé n’est parfait. Un inconvénient du ponçage-peinture est que, dans certains endroits où la peinture de l’avion est mal préservée, l’adhérence de la nouvelle peinture peut être compromise. Martin souligne que « la nouvelle peinture peut parfois ne pas adhérer, mais la maintenance préventive est essentielle pour préserver le système d’origine ». De plus, il souligne qu’un bon atelier de peinture effectue un test d’adhérence préliminaire sur l’avion pour déterminer si le ponçage-peinture est la meilleure solution, afin d’éviter les mauvaises surprises par la suite.
Planification
Prévoyez suffisamment de temps pour coordonner avec votre atelier de peinture sur tous les aspects, depuis l’approbation des rendus et dessins spécifiques jusqu’au choix des couleurs et à la configuration des bandes. En cas de décapage complet, l’application d’une base blanche standard avec deux bandes peut nécessiter jusqu’à 25 jours, tandis que des motifs de peinture plus complexes peuvent parfois prendre plus de 30 jours. Le processus ponçage-peinture peut être plus rapide, mais prévoyez tout de même environ 15 jours d’immobilisation à l’atelier de peinture. Il est essentiel de noter que les ateliers de peinture ont besoin d’un délai plus long pour obtenir tous les matériaux nécessaires, alors soyez prêt à réserver votre créneau 8 à 12 semaines à l’avance pour assurer une planification et une exécution fluides.
Quelques remarques sur les établissements de peinture et la peinture
Lorsque les clients envisagent de recourir à un établissement de peinture, il est crucial de s’informer sur le système de filtration utilisé dans l’atelier. Deux types sont couramment utilisés : l’aspiration descendante et l’aspiration latérale. Dans un système à aspiration descendante, l’air est introduit depuis le haut de l’avion et s’échappe vers le sol des côtés gauche et droit du kiosque de peinture, ce qui peut entraîner la chute de poussière sur l’avion pendant le processus. « Dans un système à aspiration latérale, en revanche, l’air circule du nez à la queue, traversant tout le kiosque de la cloison avant à la cloison arrière. Cette direction de l’air empêche tout brouillard de peinture excédentaire d’atterrir sur l’avion, réduisant ainsi au minimum la quantité de poussière pouvant se déposer sur la peinture », explique Kevin.
Il souligne également qu’en comparaison avec un système traditionnel, un système d’application électrostatique réduit le brouillard de peinture excédentaire, améliore l’adhérence des couches de peinture sur l’avion et diminue l’empreinte environnementale globale du processus.
L’industrie des revêtements aéronautiques est en retard par rapport à l’industrie automobile, qui a déjà adopté les peintures à l’eau (enduit de base, enduit lustré) en remplacement des peintures chimiques. Kevin explique : « Les peintures à l’eau sèchent plus rapidement, sont moins toxiques et émettent beaucoup moins de composés organiques volatils. C’est donc moins contraignant à la fois pour les employés et pour l’environnement. Notre industrie travaille à cette transition, mais nous n’y sommes pas encore. »
« En fin de compte, pour toute intervention de maintenance majeure planifiée sur votre avion d’affaires, il est essentiel de faire des recherches et de poser les bonnes questions. Cela vous garantira un magnifique fini de peinture extérieure pour votre avion, qui affichera fièrement les couleurs de votre choix en vol et au sol pendant de nombreuses années ! »